Je viens de finir Vision aveugle, de Peter Watts. Un roman de très bon niveau, qui, sous prétexte de raconter une nième variation de la rencontre entre les Terriens et une intelligence extra-terrestre (certes plus originale que les ET traditionnels, grâce à la grande culture de l’auteur en matière de biologie), traite de l’évolution et du rôle de la conscience dans l’aptitude des humains à s’adapter à leur milieu.
Si on peut reprocher à Watts une certaine tendance à compliquer inutilement le fil de son récit (chronologie décousue, présentation tout d’abord absconse de concepts qui s’éclairent ensuite...), le roman n’en reste pas moins une brillante stimulation intellectuelle, de part les idées originales qu’il brasse et par l’intrication riche et rigoureuse d’éléments scientifiques de pointe avec la trame même de l’intrigue. Je ne détaille pas plus et renvoie ceux qui veulent plus d’information à sa fiche NooSFère (d’autant plus intéressante que les critiques qu’elle comporte font une analyse radicalement opposée à la mienne, j’y reviendrais).
Cependant, en arrivant au terme du livre, l’impression générale qui ressort de cette lecture est, paradoxalement, celle de l’échec de la science-fiction. Suite au récit et aux maintenant incontournables remerciements de l’auteur (à son éditeur, ses amis, ses relecteurs, on s’étonne presque de ne pas y voir figurer la femme de ménage et le papetier du quartier...), Peter Watts donne de nombreuses explications sur les concepts de physique, de biologie et de psychologie brassés tout au long du roman, références à des articles universitaires dans des revues spécialisés à l’appui.
Ainsi l’auteur reconnaît-il lui-même son incapacité à provoquer la suspension of disbielief puisqu’il ressent le besoin de justifier a posteriori que ses «inventions» les plus audacieuses ne relèvent pas d’une science fictive, mais bien de faits déjà avérées par l’Académie. Et ces justifications sont en effet nécessaires, tant l’amoncellement de choses «incroyables» font régulièrement décrocher le lecteur : des vampires aux commandes d’un vaisseau spatial, l’utilisation de visages torturés pour représenter des statistiques, le recours à des psychopathes pour constituer un équipage d’élite post-humain (les membres du Thésée constituent un véritable freak show qui agace le lecteur par cet effet d’accumulation)... Bref, ce n’est que dans la lecture de la postface qu’on retombe dans une rationalité familière et qu’on accepte, enfin, de suspendre son incrédulité, puisque même la Faculté nous certifie que tout cela est plausible. On ressort de cette lecture tout surpris d’avoir pris plus de plaisir et d’intérêt à la postface qu’au roman lui-même.
Dans Vision aveugle, Peter Watts n’est pas un auteur de science-fiction. C’est un scientifique extrêmement pointu et cultivé, doublé d’un très bon vulgarisateur.
Une remarque en passant : j’ai renvoyé le lecteur aux critiques écrites par Pascal Patoz, pour NooSFère, et par Patrick Imbert dans Bifrost numéro 54. Je dois ajouter ici que l’une des remarques de ce dernier m’a un peu scié (j’allais écrire «agacé», mais après tout, chacun est libre de définir la science-fiction comme il l’entend...) : la complexité du roman, que je regrettais plus haut, lui apparaît, à lui, comme une qualité. Ainsi justifie-t-il le plaisir qu’il a à ne rien paner : « même absence d'explications dans le contexte quotidien (quel roman de littérature contemporaine explique le fonctionnement d'un robinet ? Pourquoi la S-F devrait-elle justifier ses choix technologiques ? ».
Si on peut reprocher à Watts une certaine tendance à compliquer inutilement le fil de son récit (chronologie décousue, présentation tout d’abord absconse de concepts qui s’éclairent ensuite...), le roman n’en reste pas moins une brillante stimulation intellectuelle, de part les idées originales qu’il brasse et par l’intrication riche et rigoureuse d’éléments scientifiques de pointe avec la trame même de l’intrigue. Je ne détaille pas plus et renvoie ceux qui veulent plus d’information à sa fiche NooSFère (d’autant plus intéressante que les critiques qu’elle comporte font une analyse radicalement opposée à la mienne, j’y reviendrais).
Cependant, en arrivant au terme du livre, l’impression générale qui ressort de cette lecture est, paradoxalement, celle de l’échec de la science-fiction. Suite au récit et aux maintenant incontournables remerciements de l’auteur (à son éditeur, ses amis, ses relecteurs, on s’étonne presque de ne pas y voir figurer la femme de ménage et le papetier du quartier...), Peter Watts donne de nombreuses explications sur les concepts de physique, de biologie et de psychologie brassés tout au long du roman, références à des articles universitaires dans des revues spécialisés à l’appui.
Ainsi l’auteur reconnaît-il lui-même son incapacité à provoquer la suspension of disbielief puisqu’il ressent le besoin de justifier a posteriori que ses «inventions» les plus audacieuses ne relèvent pas d’une science fictive, mais bien de faits déjà avérées par l’Académie. Et ces justifications sont en effet nécessaires, tant l’amoncellement de choses «incroyables» font régulièrement décrocher le lecteur : des vampires aux commandes d’un vaisseau spatial, l’utilisation de visages torturés pour représenter des statistiques, le recours à des psychopathes pour constituer un équipage d’élite post-humain (les membres du Thésée constituent un véritable freak show qui agace le lecteur par cet effet d’accumulation)... Bref, ce n’est que dans la lecture de la postface qu’on retombe dans une rationalité familière et qu’on accepte, enfin, de suspendre son incrédulité, puisque même la Faculté nous certifie que tout cela est plausible. On ressort de cette lecture tout surpris d’avoir pris plus de plaisir et d’intérêt à la postface qu’au roman lui-même.
Dans Vision aveugle, Peter Watts n’est pas un auteur de science-fiction. C’est un scientifique extrêmement pointu et cultivé, doublé d’un très bon vulgarisateur.
Une remarque en passant : j’ai renvoyé le lecteur aux critiques écrites par Pascal Patoz, pour NooSFère, et par Patrick Imbert dans Bifrost numéro 54. Je dois ajouter ici que l’une des remarques de ce dernier m’a un peu scié (j’allais écrire «agacé», mais après tout, chacun est libre de définir la science-fiction comme il l’entend...) : la complexité du roman, que je regrettais plus haut, lui apparaît, à lui, comme une qualité. Ainsi justifie-t-il le plaisir qu’il a à ne rien paner : « même absence d'explications dans le contexte quotidien (quel roman de littérature contemporaine explique le fonctionnement d'un robinet ? Pourquoi la S-F devrait-elle justifier ses choix technologiques ? ».
Les bras m’en tombent, comme on dit du côté de Milo. Pourquoi la SF le devrait-elle ? Mais parce que, justement, c’est de la SF.
Et ce n’est pas moi qui élucubre ça ; d’autres gens, plus cultivés et plus intelligents que moi l’expliquent très bien, comme Claude Ecken, dans un passionnant article publié dans Bifrost (oui, le même) et repris sur le site web de la revue. Citons le maître : « En S-F, il convient de prendre le lecteur par la main et de patiemment lui expliquer les règles et les lois de ce nouveau monde. Affirmons-le clairement : prendre par la main le lecteur l’empêche surtout de se barrer ! Un auteur de littérature générale ne connaît pas ce problème.»
M’enfin, bon, qu’on puisse préférer un récit abscons à une explication claire et compréhensible ne devrait pas m’étonner plus que ça. Il paraît que la fantasy se vend très bien de nos jours...
Et ce n’est pas moi qui élucubre ça ; d’autres gens, plus cultivés et plus intelligents que moi l’expliquent très bien, comme Claude Ecken, dans un passionnant article publié dans Bifrost (oui, le même) et repris sur le site web de la revue. Citons le maître : « En S-F, il convient de prendre le lecteur par la main et de patiemment lui expliquer les règles et les lois de ce nouveau monde. Affirmons-le clairement : prendre par la main le lecteur l’empêche surtout de se barrer ! Un auteur de littérature générale ne connaît pas ce problème.»
M’enfin, bon, qu’on puisse préférer un récit abscons à une explication claire et compréhensible ne devrait pas m’étonner plus que ça. Il paraît que la fantasy se vend très bien de nos jours...
1 commentaires:
Définir ce qu'est la science-fiction est déjà assez complexe en soi, pour être être convaincu qu'il est impossible de dresser le portrait type du fan de SF (ou de l'auteur de SF par la même occasion).
Ceci est un vieux débat, mettant d'un côté une littérature américaine d'ingénieurs, et de l'autre une littérature française de... littéraires. Comme pour les auteurs, le débat est également ouvert pour les lecteurs.
En fait, je crois que tout dépend de la formation de ces derniers.
Pour ma part cela ne me dérange en aucune façon que les vaisseaux spatiaux fassent du bruit en rétrogradant dans l'espace, ou que les sabres laser se heurtent. Je n'attends pas à voir des faits scientifiques, que j'aurais du mal à comprendre de toute façon, mais juste à être émerveillé. Je veux m'évader le temps d'une lecture, pas lire un Que-sais-je.
Des lecteurs comme mes amis JFS et Bademoude qui ont une formation supérieure scientifique, aiment quant à eux comprendre les concepts exposés par l'auteur et les confondre avec la réalité. Personnellement, comme je l'ai dit plus haut, je m'en fiche complètement. Par contre, je suis réellement agacé, voire extrêmement contrarié, quand je vois des auteurs décrire des scènes de combats complètement surréalistes. Une réaction jugée ô combien futile par mes deux amis. Par exemple, on ne crève pas les yeux avec les doigts, on raye la cornée ou on expulse le globe mais on ne le crève pas !! Je ne suis pas sûr que ce genre de détail intéresse beaucoup de lecteurs. Pourtant moi j'y tiens parce que je passe assez de temps comme ça à trouver la meilleure façon de crever un oeil, pour qu'un auteur à la con explique à tout le monde qu'il suffit d'y planter son index... Je pense que ça doit être la même chose avec la physique quantique.
La SF doit-elle se raccrocher à la réalité, dans un esprit didactique, presque bienveillant envers le lecteur qu'elle éduque, ou doit elle dépasser les limites du réel, quitte à partir dans un délire burlesque à la Tarantino ?
Les deux ne sont pas forcément antinomiques, les puristes feront eux-mêmes le tri. Le tout c'est que cela paraisse plausible pour le plus grand nombre sans que cela soit rébarbatif ou grotesque.
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