mercredi 13 juillet 2011

William Gibson, Zero History 1/3

J’ai lu (lentement et péniblement, parce qu’il faut bien dire ce qui est, l’anglais, c’est quand même une langue bizarre...) le dernier roman de William Gibson. Quelques impressions de lecture dans les lignes qui suivent (divisées en plusieurs parties, parce que « on » m’a dit que je faisais des posts trop longs).


Comme beaucoup de lecteurs de SF, j’ai découvert William Gibson avec Neuromancien, et dès l’incipit ce fut le choc : «The sky above the port was the color of television, tuned to a dead channel.» C’était la première fois que je tombais sur un écrivain dont le style collait parfaitement à l’univers futuriste qu’il décrivait. Pour son écriture, mais aussi pour les thèmes qu’il aborde, j’ai toujours mis Gibson à part dans mon panthéon des grands auteurs de SF.

Après ses deux trilogies et le très beau recueil de nouvelles Gravé sur Chrome qui font partie des références du cyberpunk, il s’est détourné de l’anticipation pour se consacrer à la description du monde contemporain, ou, plutôt, à son déchiffrage. À la manière d’un Laney qui sait lire les « points nodaux » dans Tomorrow Parties, Gibson décrypte la société, met à nu son code source, en identifie les schémas sous-jacents. Il utilise pour cela une technique héritée de son expérience d’écrivain de science-fiction : «il donne à lire le présent comme si c’était le futur», pour reprendre les mots de Scarlett Thomas dans le New-York Times.

Pour surprenant qu’il était, l’abandon du cyberpunk au moment d’Identification des schémas avait été une véritable réussite. La déception avait par conséquent été d’autant plus grande à la lecture de Code source, roman sans véritable enjeu, où l’auteur, incapable de se renouveler, semblait se caricaturer (voir par exemple la critique, sévère mais juste, qu’en fait Xavier Mauméjean sur Noosfère). Cette tendance semble hélas se confirmer avec la conclusion de la trilogie Bigend de Gibson, Zero History, même si, on va le voir, ce nouvel opus est loin d’être inintéressant.
Le marché du style est un champ de bataille

Zero History rassemble et suit deux personnages des précédents romans. Hollis, l’ex-rockeuse de Code Source, est de nouveau engagée par Hubertus Bigend, omnipotent directeur de l’agence de cool hunting Blue Ant. Après son enquête sur le locale-art, elle se trouve lancée sur la piste d’une nouvelle tendance, un blouson hors mode conçu par un designer inconnu, griffé d’une marque ultra-confidentielle, ce qui, paradoxalement, en fait la notoriété : la ligne de vêtements Gabriel Hounds est connue pour ne pas être célèbre. C’est un accessoire de mode qui se veut atemporel : «when they remake the jackets, if they ever do, they’ll be exactly the same, cut from exactly the same pattern» («lorsqu’ils referont ces vestes, s’ils en refont un jour, elles seront parfaitement identiques, taillées sur le même patron»*). Dans un monde où tout change à chaque nouvelle collection, cette permanence en fait un objet quasiment mythique.

Milgrim, le junky d’Identification des schémas, est sorti d’une coûteuse cure de désintoxication, payée par Blue Ant, et il travaille lui-aussi pour Bigend, qui apprécie sa capacité à remarquer des détails qui seraient insignifiants pour d’autres. L’homme d’affaires belge l’utilise pour de l’espionnage industriel afin de gagner des parts de marché dans le secteur des vêtements militaires, partant du principe que le treillis est l’influence majeure du streetswear de ces dernières années ; le roman est tout entier résumé dans cette métaphore : le marché du style est un champ de bataille.
Les deux personnages vont se retrouver à Londres puis à Paris pour mener leurs enquêtes qui entremêlent le monde de la mode et les secrets militaires, les barbouzes et les créateurs.

* Toutes les traductions sont de mon fait

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