dimanche 31 juillet 2011

Bifrost n° 63, spécial Frank Herbert

Bon, visiblement, c'est la grande mode de faire une critique de ce numéro-là de Bifrost. Est-ce parce qu'il ne se passe pas grand chose d'autre cet été ? Parce que l'auteur de Dune est particulièrement populaire ? Aucune idée, mais on trouve des posts consacrés à la revue ici, , aussi, ou encore de ce côté ou de celui-là... Devant une telle profusion, je ne voudrais surtout pas paraître original, alors c'est parti pour une couche de plus !
Dune de David Lynch


Évacuons d’abord ce qui ne fait pas partie du dossier Frank Herbert, à savoir les nouvelles de Jean-Claude Dunyach et d’Eric Brown.

L’auteur toulousain signe, avec Le clin d’œil du héron, un texte à mi-chemin entre la magie et les glissements subtils de réalité. C’est, comme d’habitude, superbement écrit. La chute, bien emmenée, est d’une grande élégance.

La nouvelle d’Eric Brown m’a beaucoup moins emballé, malgré les efforts herculéens du rédacteur en chef qui, dans la note d’introduction, fait tout son possible pour convaincre le lecteur qu’il a entre les mains la prose d’un auteur génial injustement sous-estimé par chez nous. Son Exorciser les fantômes se lit bien, il n’y a là rien d’autre que de la très honnête science-fiction, mais on a l’impression d’avoir rencontré ce genre d’histoires et d’univers des centaines de fois auparavant. C’est agréable, c’est propre et bien écrit, rien ne dépasse, et ça s’oublie à peine terminé.

Puisqu’on est dans les choses qui fâchent, ouvrons maintenant le dossier Herbert par les deux nouvelles. Elles n’ont, à mes yeux, qu’un seul intérêt, c’est celui d’expliquer pourquoi Herbert est surtout connu pour ses romans et pourquoi il n’a écrit, dans toute sa carrière littéraire, qu’une cinquantaine de textes courts. Visiblement, cette forme n’était pas celle où il était le plus à l’aise.

Semence peut effectivement faire penser à Dune, avec son petit côté planet-opera écologique, mais pour avoir été écrit cinq ans après son roman le plus célèbre, le texte paraît bien fade, bien indigent. Plus étonnant encore est le relent réactionnaire qui parcourt toute la nouvelle. Le personnage féminin est une bobonne reléguée à ses fourneaux pendant que l’Homme, seul, va affronter le danger sur son bateau de pêche. Tout le texte est construit pour montrer la supériorité de l’intuition, de l’homme de terrain, bref du paysan bas du front, les pieds dans le fumier et les mains endurcies par le maniement de l’outil, contre ces intellectuels et scientifiques qui ne comprennent rien au monde réel. L’intelligence de la main contre l’intelligence du cerveau. Finalement, on découvre que Rafarin aurait pu faire une honnête carrière d’auteur de SF.

Avec Mort d’une ville, le problème est autre. Le texte est tout simplement imbittable. La notion de «Médecin de ville», qui semble être au cœur de l’intrigue, reste fumeuse, artificielle et d’un intérêt que, pour être poli, on va qualifier de peu évident. Une fois encore, la partie la plus captivante reste le texte de présentation et ses contorsions pour justifier la présence d’un tel ratage au sommaire du Bifrost. Un grand moment de faux-culterie éditoriale.

Heureusement que le dossier Herbert ne se limite pas aux nouvelles. La suite est d’un tout autre niveau. Une serie de textes reviennent d’abord sur l’homme qu’était Frank Herbert, à travers une biographie de très bonne tenue (tiens, allez, comme c’est l’été et que je n’aime pas l’été, je vais encore dire une méchanceté : heureusement que Frank Herbert est mort, ça nous a évité l’une de ces soporifiques interview-fleuves dont Richard Comballot a le secret) suivie d’un récit très personnel et plutôt émouvant de la rencontre entre Philippe Hupp et Frank Herbert.

On passe ensuite au plat de résistance du dossier, à savoir le cycle de Dune. Ça commence par un article passionnant d’Herbert en personne sur la genèse de Dune et ses suites (où l’on découvre d’ailleurs que la couverture de l’actuel Bifrost est un hommage à celle de l’édition originale). J’en ai en particulier retenu l’aversion qu’Herbert avait pour les «grands hommes qui ont fait l’histoire», qu’ils soient considérés comme des monstres (Hitler & Cie) ou comme des héros (JFK ou Patton) et, rétrospectivement, je comprends mieux le malaise que j’avais ressenti, lors de ma première lecture du Messie de Dune, à l’âge de 13 ou 14 ans. Après avoir construit un héros, un surhomme, un sauveur à travers le personnage de Muad’Dib, Herbert le démonte avec brutalité dans le deuxième roman du cycle.

Après avoir lu les élucubrations de Claude Ecken dans le dossier Science-Fiction du Bifrost n° 61, ou l’art de confondre métaphore et argument pour pouvoir dire n’importe quoi, j’étais un peu inquiet en attaquant la lecture de son volumineux article Livre de sable : mosaïque de Dune. J’ai été pleinement rassuré en lisant cette analyse longue de 16 pages : on retrouve le Claude Ecken brillant et captivant de Génération Science fiction ou de L’écriture de la Science-fiction. Le texte est riche et aborde de multiples thèmes, en particulier comment Frank Herbert crée une sorte de rupture dans la SF de l’époque tout en sacrifiant à quelques lois incontournables du genre, le rôle des femmes, les rapports à la religion, les jeux sur le langage... Une analyse du cycle sous des angles variés, pertinente et toujours passionnante. Bref, si l’on ne doit lire qu’une chose dans ce dossier, c’est cet article-là.

Dune de David Lynch

Le papier d’Ugo Bellagamba m’a un peu moins emballé. Se spécialisant dans la défense des causes cinématographiques désespérées, il entreprend de réhabiliter le Dune de David Lynch après avoir brillament volé au secours de Tron - Legacy. Mais cette fois-ci, bien que je sois encore une fois d’accord avec lui sur tous les aspects réussis et passionants du film, je trouve qu’il passe complétement à côté de la question principale qui est celle-ci : à quoi sert-il de faire l’adaptation au cinéma d’un roman (et, en particulier, d’un roman culte) ? Cherche-t-on a caresser dans le sens du poil les tolkienolâtres orthodoxes qui se pâment de bonheur devant l’insipide trilogie de Peter Jackson parce que chaque poil de patte de Hobbit est exactement à la place que le Maître avait stipulée à la page 1285 du Silmarion, ou bien s’agit-il d’apporter à un public de cinéphiles la vision personnelle d’un réalisateur qui s’empare du travail d’un autre artiste, se l’approprie et le transforme ? Va-t-on au cinéma pour vérifier que le décorateur a bien respecté toutes les indications du roman, ou pour découvrir quelque chose de nouveau et de surprenant ?


Formule de l'épice (The Dune Encyclopedia)
Je passe rapidement sur le guide de lecture, qui reprend les autres romans de Herbert. C’est bien fait, pratique, pas forcément palpitant à lire, mais c’est à garder chez soi comme une bonne bouteille de Côte du Rhône au cas où des amis débarqueraient à l’improviste. Même chose pour la bibliographie. Je termine sur la rubrique Scientifiction pour faire part d’une petite déception. Dossier Herbert oblige, on parlera ici de l’Épice et du distille.
 Roland Lehoucq s’est d’ailleurs fait seconder par un chimiste, Stéphane Sarrade, pour le premier thème. Mais si le décorticage très «ingénieur» du distille m’a bien plu, j’ai trouvé très succinct le traitement du premier sujet. Les deux auteurs balayent de nombreux sujets autour de l’Épice, passant en revue l’histoire de la chimie, des poisons et la notion de prescience et d'élixir de vie dans d’autres œuvres de fiction, mais au final, ils ne disent rien des aspects scientifiques qu’il pourrait y avoir derrière l’Épice. Rien sur les propriétés chimiques de cette molécule, rien sur ses effets psychotropes, rien sur les rapports entre le Mélange et la prescience, le rapport au temps et à la mémoire. Bref, c’est peu de dire que c’est un peu court.

Au final, on a donc un Bifrost d’un intérêt limité pour les nouvelles (à part celle de Dunyach, rien de palpitant) mais indispensable à tout amateur du cycle de Dune et de son auteur.
J-F S.

Pendant ce temps, au Japon...

Pendant que Big Luna se rejoue "À nous les petites Anglaises" dans les banlieues de Londres et que JFS feuillette son dictionnaire à la recherche d'un nouveau mot compliqué à placer dans son prochain post (putain... "afféteries", je savais même pas que ça existait), y'en a qu'un qui bosse, c'est Bibi !
Comme je suis le seul gars un peu cultivé du groupe, c'est naturellement sur moi qu'est tombée la rubrique cinéma de ce blog. Alors, toujours à l'affut de nouveautés de haute qualité, je parcours le web et, grâce en soit rendue à Thomas Day qui a donné l'info sur le forum du Bélial', je tombe sur cette petite merveille nippone tout à fait adaptée au retour du soleil en ce milieu d'été.

Attention, c'est du lourd, du NSFW, du haut de gamme. Eloignez les chiens et les enfants du téléviseur, et ne cliquez pas si vous êtes au boulot en open-space... Prêts ? C'est parti pour ce délicieux extrait de "Big Tits Zombie" (ouais, c'est comme ça que ça s'appelle).


Elle est pas belle, la vie ? A la réflexion, je me demande si un seul tremblement de terre, c'était suffisant ?
Chuck.

mercredi 13 juillet 2011

William Gibson, Zero History 3/3

<== vers la deuxième partie


Entre pertinence et maniérisme

Gibson continue à travailler son style selon la trajectoire amorcée avec Identification des schémas mais il semble être entré dans un système. Son écriture est de plus en plus marquée par un maniérisme, des afféteries. Il y a indéniablement une patte Gibson, mais on peut regretter qu’elle prenne toute la place, que la forme ait écrasé le fond.

Certaines métaphores sonnent juste («an espresso maker that looked set to win at Le Mans» / une machine à expresso qui semblait réglée pour gagner au Mans) et entre de longues descriptions d’objets cool, d’hôtels internationaux et de breakfast surchargés de signes, il distille des remarques pertinentes sur le monde des marques et du design, la notion de mode et de tendance. Mais souvent, on a l’impression qu’il en fait trop, qu’il se parodie lui-même : des dialogues où s’enchaînent les phrases d’un seul mot, les noms surchargés d’adjectifs emboités les uns dans les autres,
Au final, ça sent trop le travail, la recherche de l'effet pour l'effet et, par conséquent, il agace davantage qu’il ne convainc.
(Source : www.lofitrading.com/) «Turning on the enormous shower required as much effort as ever. A Victorian monster, its original taps were hulking knots of plated brass [...] It reminded her of H. G. Wells’s time machine.»* (Zero History)

Les décors et les accessoires sont en cohérence avec le style de l’écrivain : surchargés, jamais simples, bourrés de références, souvent brillants, mais au final un peu pénibles. Comme si Gibson craignait de subir les foudres divines si par malheur il se laissait aller à décrire quelque chose d'évident ou de normal.
Ainsi Bigend, qui porte en permanence un costume bleu de Klein, ou Heidi et son vêtement qui est «a sort of post-holocaust drum majorette jacket»**... on aurait parfois envie que les personnages soient habillés de façon banale, mangent des choses courantes dans des lieux quelconques. Au lieu de cela, Hollis décrit ainsi l’un de ses rendez-vous : « Came in the morning. Drove me to Brunswick Street. Eggs and bacon in a vegan lesbian café bar.» (Il est venu dans la matinée. M’a emmené Brunswick Street. On a mangé des œufs au bacon dans un café végétalien lesbien). C’est tellement too much qu’il s’agit probablement d’un trait d’humour de la part de Gibson. De l’autodérision ?

(Photo prise à South Whitehall le 6 janvier 2007, © Nicholas_T / Flickr)

Un monde sans substance


On ressort de ce roman comme d’un AppleStore : c’est beau et efficace à la fois, ça exerce une certaine fascination, ça donne l’impression qu’on a un peu mis un pied dans le futur, mais un futur où règne l'ennui et la superficialité.

On se surprend parfois à détecter une petite trace d'un dandysme désespéré à la Brett Easton Ellis dans l’accumulation du paraître et l'avalanche du brand-dropping, mais il manque au Pape du Cyberpunk le petit grain de folie distanciée et l’humour de l’auteur de Glamorama.

La déception qu’était Code Source se confirme malgré, ou peut-être à cause, de la qualité de l’écriture : Zero History montre que Gibson est arrivé au sommet de son style, mais que lui même se regarde un peu trop écrire, qu’il oublie le fond pour ne se soucier que du paraître. Est-ce parce qu’il n’a plus rien à dire ?

Il subsiste cependant un côté fascinant dans la façon dont Gibson rend compte du monde moderne. Alors, bien sûr, son dernier roman paraît un peu creux ; mais si c’était simplement le monde qui était devenu sans substance ?


*Mettre en marche l'énorme douche demandait toujours autant d'efforts. Un monstre victorien dont les robinets d'origine étaient d'énormes nœuds de bronze plaqués. Cela lui rappela la machine à voyager dans le temps de Wells.
 
** Une sorte de veste de majorette post-holocauste.

William Gibson, Zero History 2/3

<-- Vers la première partie
Parsifal chez les geeks
Qu’il se projette dans un futur proche ou qu’il s’attaque au monde contemporain, Gibson décrit toujours la même chose, un univers parcouru de signes et de tendances, saturé de logos et de marques, rendu indéchiffrable pour le profane en raison de cette accumulation. Dans la continuité des deux précédents romans, Gibson explore les sub-cultures qui se développent autour des objets, des marques, un mélange de geekerie et de fashion victim qui engendre sa propre mythologie : ces Gabriel Hounds que personne ne connaît mais dont tout le monde a entendu parler ou encore ces sites fantôme consacrés à des lignes de production défuntes qui peuplent le web ; notre époque a des maisons hantées à la hauteur de son matérialisme.
«You took my name», Dorothy, http://www.wearedorothy.com/news/you-took-my-name/

Le roman est ainsi parsemé de brand-dropping, qu’il s’agisse de marques réelles ou inventées, de discussions sur les mérites ou les performances de tel ou tel gadget, d’applications toujours plus hype pour les nombreux iPhones qui équipent les personnages ; les lieux publics sont des bars lounge, des hôtels branchés ou encore des boutiques qui tiennent davantage du show-room d'architecte d'intérieur suédois que du Franprix de quartier.

Dans un tel labyrinthe sémantique, un chamane, un initié est nécessaire pour «identifier les schémas». Ce rôle est en partie tenu par Bigend, le magnat à qui une compréhension supérieure du cool octroie une sorte de précognition. L’homme d’affaire reprend le don de Laney dans Tomorrow’s Parties qui était capable de repérer les «points nodaux» dans un océan d’informations indéchiffrable pour le profane.

À la fois complément et négatif de cet expert visionnaire, Miley est celui qui ressent les choses sans les comprendre, une sorte de Pythie devenue clean, un innocent dont la clairvoyance serait justement due à cette pureté, à cette virginité. Il y a chez Miley un petit air de Parsifal, alors qu’il promène dans tout le roman son absence de compréhension des enjeux, sa franchise qui le pousse à trahir tous les secrets qu’on lui confie avec la plus extrême candeur ; la ressemblance est encore renforcée par la nuit platonique qu’il passe dans les bras de la charmante Fiona. C’est bien entendu Hollis qui jouera le rôle de Gurnemanz, et qui ira même jusqu’à armer le chevalier «pur si fol» en lui faisant cadeau d’un ordinateur portable. Un Mac, évidemment.

Calligraphy by Kanjuro Shibata XX "Enso".(Source Wikipedia)

Une histoire proche de zéro

L’absence d’Histoire qui donne son titre au roman renvoie à deux éléments importants du récit, Miley et la ligne de vêtements Gabriel Hounds. Après sa cure de désintoxication, Miley est devenu un homme sans histoire personnelle, un matériau vierge, une sorte de mannequin neutre que Bigend s’amuse à habiller au gré de sa fantaisie ou des circonstances, un être qui ne possède aucun objet personnel. Quant aux vestes, l’une des raisons de leur succès est justement cette absence d’informations sur leur origine, leur passé.
Mais ce titre aurait aussi pu être Zero Story, tant l’histoire (au sens de l’intrigue du roman) est mince et traitée avec désinvolture. C'est là le plus gros problème que pose le dernier roman de Gibson. Il s’agit d’une longue enquête ponctuée de révélations tirées du chapeau d’un illusionniste fatigué, de deus ex machina plaqués avec lourdeur (l’irruption de Garreth et sa façon de prendre en main les affaires de Bigend qu’on imaginait jusqu’alors être plutôt du genre control-freak), les personnages sont rarement mis en danger (deux ou trois petites scènes d’action vers la fin, mais rien de bien palpitant), et lorsque l’histoire est relancée par un rebondissement, il s’agit du kidnapping d’un personnage dont on n’avait jamais entendu parler jusqu’alors et dont on se fiche éperdument. Et tout ça pour courir après un McGuffin qui n’est qu’une bête veste en jean !

Plus problématique encore, alors qu’on s’approche du dénouement, on se surprend à trouver plus intéressants les quelques paragraphes qui nous révèlent enfin l’histoire de la marque mystérieuse que le reste du roman consacré à nous décrire comment Hollis arrive à cette découverte.

La vacuité du scénario, ses défauts grossiers sont probablement des effets voulus par Gibson. Mais j’avoue rester plus que dubitatif quant à ses intentions profondes, à l’intérêt de tout cela qui apparaît au mieux comme une certaine désinvolture, au pire comme une dérive de l’auteur s’enfermant dans une posture un peu stérile.

William Gibson, Zero History 1/3

J’ai lu (lentement et péniblement, parce qu’il faut bien dire ce qui est, l’anglais, c’est quand même une langue bizarre...) le dernier roman de William Gibson. Quelques impressions de lecture dans les lignes qui suivent (divisées en plusieurs parties, parce que « on » m’a dit que je faisais des posts trop longs).


Comme beaucoup de lecteurs de SF, j’ai découvert William Gibson avec Neuromancien, et dès l’incipit ce fut le choc : «The sky above the port was the color of television, tuned to a dead channel.» C’était la première fois que je tombais sur un écrivain dont le style collait parfaitement à l’univers futuriste qu’il décrivait. Pour son écriture, mais aussi pour les thèmes qu’il aborde, j’ai toujours mis Gibson à part dans mon panthéon des grands auteurs de SF.

Après ses deux trilogies et le très beau recueil de nouvelles Gravé sur Chrome qui font partie des références du cyberpunk, il s’est détourné de l’anticipation pour se consacrer à la description du monde contemporain, ou, plutôt, à son déchiffrage. À la manière d’un Laney qui sait lire les « points nodaux » dans Tomorrow Parties, Gibson décrypte la société, met à nu son code source, en identifie les schémas sous-jacents. Il utilise pour cela une technique héritée de son expérience d’écrivain de science-fiction : «il donne à lire le présent comme si c’était le futur», pour reprendre les mots de Scarlett Thomas dans le New-York Times.

Pour surprenant qu’il était, l’abandon du cyberpunk au moment d’Identification des schémas avait été une véritable réussite. La déception avait par conséquent été d’autant plus grande à la lecture de Code source, roman sans véritable enjeu, où l’auteur, incapable de se renouveler, semblait se caricaturer (voir par exemple la critique, sévère mais juste, qu’en fait Xavier Mauméjean sur Noosfère). Cette tendance semble hélas se confirmer avec la conclusion de la trilogie Bigend de Gibson, Zero History, même si, on va le voir, ce nouvel opus est loin d’être inintéressant.
Le marché du style est un champ de bataille

Zero History rassemble et suit deux personnages des précédents romans. Hollis, l’ex-rockeuse de Code Source, est de nouveau engagée par Hubertus Bigend, omnipotent directeur de l’agence de cool hunting Blue Ant. Après son enquête sur le locale-art, elle se trouve lancée sur la piste d’une nouvelle tendance, un blouson hors mode conçu par un designer inconnu, griffé d’une marque ultra-confidentielle, ce qui, paradoxalement, en fait la notoriété : la ligne de vêtements Gabriel Hounds est connue pour ne pas être célèbre. C’est un accessoire de mode qui se veut atemporel : «when they remake the jackets, if they ever do, they’ll be exactly the same, cut from exactly the same pattern» («lorsqu’ils referont ces vestes, s’ils en refont un jour, elles seront parfaitement identiques, taillées sur le même patron»*). Dans un monde où tout change à chaque nouvelle collection, cette permanence en fait un objet quasiment mythique.

Milgrim, le junky d’Identification des schémas, est sorti d’une coûteuse cure de désintoxication, payée par Blue Ant, et il travaille lui-aussi pour Bigend, qui apprécie sa capacité à remarquer des détails qui seraient insignifiants pour d’autres. L’homme d’affaires belge l’utilise pour de l’espionnage industriel afin de gagner des parts de marché dans le secteur des vêtements militaires, partant du principe que le treillis est l’influence majeure du streetswear de ces dernières années ; le roman est tout entier résumé dans cette métaphore : le marché du style est un champ de bataille.
Les deux personnages vont se retrouver à Londres puis à Paris pour mener leurs enquêtes qui entremêlent le monde de la mode et les secrets militaires, les barbouzes et les créateurs.

* Toutes les traductions sont de mon fait

dimanche 10 juillet 2011

Etre cool à Londres

C'est la cata. Ca fait trois jours que je cours après mon chat pour lui raser la queue de façon à ce qu'il ressemble à un rat domestique. Trois jours que je galère à chasser le minou pour ne pas passer pour un con à Londres. Tout ça parce qu'on m'a dit : "Londres ? Mais houlala ! Faut être Hipster là bas ! Sinon tu vas passer pour un vieux réac de conservateur !". Ni une, ni deux, je sors mes vieilles Doc et pars donc chasser le vieux matou, histoire d'être dans le coup une fois arrivé sur place.
Jusqu'à ce que je tombe ce matin sur un blog, alors que je cherchais innocemment sur le net la meilleure façon de draguer la Milf anglaise, qui explique que le courant hipster c'est has been, sauf si tu veux ressembler à une tête de gland. C'est mon chat qui a apprécié.

dimanche 3 juillet 2011

Imprésario du troisième type de John Scalzi, L'Atalante

C'est les vacanceuuuuuuuuuuuuuuux !!!!!

Les vacances c'est enfin les bouchons sur la route quasiment tous les samedis, les enfants à la maison qui cassent les boules, les émissions de radio à la con, et les livres qui détendent. Et à ce sujet, j'ai justement quelque chose pour vous.

Je vais donc vous parler d'un livre idéal pour passer de bonnes vacances, pas méchant, bien écrit et très drôle. Je veux parler de Imprésario du troisième type de John Scalzi, ce même auteur qui avait écrit l'excellent Le vieil homme et la guerre.
Sauf que cette fois-ci, et c'est tout à son honneur, on change complètement de registre, tout en restant dans de la science-fiction. Pour faire court et efficace, c'est l'histoire d'extraterrestres qui, en orbite autour de la Terre, font appel à une agence d’imprésarios afin de préparer leur fameux contact du troisième type. Remarquez il faut au moins ça quand on ressemble à un cube de gélatine et qu'on sent à peu près aussi bon qu'une fosse septique. Le roman est franchement drôle sur fond de satire du monde du show-bizz, avec des aliens caustiques à souhait ayant appris à connaître les habitudes humaines en piratant les séries télé américaines. Un  livre donc à mettre dans votre valise.

Sur ce, je vous souhaite à toutes et à tous d'excellentes vacances et vous laisse avec ce petit morceau live de The Heavy, un groupe anglais qui mélange rock, reggae et punk et que c'est super bien. Moi j'adore.

 

Blogger